Dagur Hjartarson – La dernière déclaration d’amour

Bienvenue en Islande. Spécialité : les poètes romanciers. Quelque chose dans l’île ou l’air ou le froid, la grisaille, les éléments : C’était comme si quelqu’un peignait la réalité en gris avec de vifs coups de stylo : une telle averse est pour sûr un des éléments caractéristiques des romans islandais. Dagur Hjartarson est donc islandais, et poète. Et puis romancier aussi désormais, avec cette Dernière déclaration d’amour, qui tient autant du roman que de la longue poésie en prose, du récit que de la réflexion socio-politique, de la déclaration d’amour que du roman d’apprentissage et du comique décalé. Beaucoup de choses, au fil d’une année universitaire (ratée), d’une découverte des autres (complexe), d’une lecture du monde (partielle, inachevée, originale et artistiquement autre.)

La marque de fabrique Dagur Hjartarson, dans ce premier roman : la déclaration d’amour. Avec ce qu’elle comporte de cliché, de mièvre, de surfait, de désuet, de ridicule, de trop.

Qui peut écrire : Sans elle, mes jours étaient un portefeuille sans billet.

Ou : Le poing serré fait la taille d’un coeur. Deux mains qui s’unissent sont deux cœurs qui s’unissent sur un même sentiment.

Non, non, ce n’est pas du tout mièvre.

Vraiment ?

La dernière déclaration d’amour est une déclaration de jeune homme, sur fond de politique néolibérale, de revendication artistique. Elle pose en figure clé – mythique –pivot David Oddsson de la Banque centrale d’Islande. Trausti Traustason en fait un emblème et le sculpte ; pendant que notre narrateur étudiant l’aide à ses heures perdues et quand il ne se noie pas dans les yeux de sa belle ; Kristin et son terre à terre bien éloigné de ses ambitions poétiques, mais qu’il aime et qui l’aime, alors…

L’année passe à Reykjavik, bercée par le temps qui s’écoule à un rythme curieux, les saisons et leurs aléas, les ours polaires ou pas. Le roman trouve son rythme, on se prend à guetter les petites phrases, scansions ; L’amour habite cette saison comme on habite une maison, c’est aussi simple que celaCe ne sont pas des mouches. Ce sont des points à la fin des poèmes que je vais composer pour toiLe néant qu’elle avait laissé derrière elle, plus vide qu’une cannette poussée par le vent à la nuit tombée.

C’est drôle, fin, critique et caustique, un peu triste aussi sur le fond, une histoire de perte des illusions, d’entrée dans l’âge adulte, tout ça mâtiné de maximes à l’emporte pièce. Ailleurs qu’en Islande, ça aurait pu donner quelque chose comme du café du comptoir. Mais c’est l’Islande, alors on tient un texte hybride, dont il faudrait à la fois rire et pleurer, un vrai temps de divertissement et d’ailleurs.

Dagur Hjartarson – La dernière déclaration d’amour – traduction de l’islandais par Jean-Christophe Salaün – Editions La peuplade

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